Les recruteurs manquent-il de temps ?

Recrutement, Humeur

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  • Auteur Sylvain Lareyre

« Je n’ai pas le temps ! », combien de fois avez-vous prononcé cette phrase ces derniers jours ? Pour nous recruteurs, c’est souvent :

Pas le temps de répondre à toutes les candidatures reçues,

Pas le temps de prendre des nouvelles de mes anciens candidats,

Pas le temps d’enregistrer les informations d’un candidat dans la base de données,

Pas le temps de faire un message d’approche personnalisé à mes candidats, etc., etc.

Pour les développeurs/informaticiens qui nous suivent, ne partez pas, cela vous montrera l’envers du décor ! Pour les recruteurs, je suis sûr que vous allez vous reconnaître ;)

L’idée de ce billet m’est venue de la lecture de cet article. Nous vivons une course effrénée pour rentabiliser notre temps. La société moderne est devenue malade du manque de temps et de l’urgence.

 Je suis sûr que vous avez déjà eu cette impression d’être dans un système que l’on ne contrôle plus. Même en étant plus efficace ou en faisant toujours plus, finalement, nous manquons toujours de temps…

Mais décortiquons un peu tout cela en prenant le secteur du recrutement, c’est plus facile comme nous sommes un cabinet de recrutement spécialisé IT. Nous courons tous après le temps alors que nous le gaspillons dans des activités, situations et organisations qui n’ont pas lieu d’être.


« Nous passons trop de temps sur les réseaux sociaux. »

Les recruteurs utilisent de plus en plus les réseaux sociaux, comme LinkedIn, pour leur sourcing. Sauf que l’on se fait facilement happer par le flux d’actualités. On se retrouve à scroller des posts, tous plus inintéressants les uns que les autres, pendant de longues minutes à la recherche d’une information ou d’un article qui en vaille la peine…

A la fin d’une tâche, on se laisse rapidement happer par nos réseaux préférés, pour prendre une « petite pause ». Ou aussi pour vérifier l’activité de son compte (ou celui de son entreprise) car les algorithmes des réseaux favorisent les posts avec une forte réactivité.

Je ne parle même pas de voyeurisme ou du besoin d’exister sur les réseaux, juste de notre attention que les réseaux sociaux font tout pour capter au maximum. Cet ancien « Philosophe Produit » de chez Google en parlait très bien il y a quelques années déjà. C’est tellement ancré dans nos esprits que déconnecter des réseaux est un défi que l’on aura du mal à relever dans l’avenir.


« Nous devons tout faire immédiatement et instantanément. »

Un email d’un client tombe, il faut répondre tout de suite. Une candidature sur annonce ou un candidat qui crée un compte sur le site, vite il faut voir si son profil est intéressant pour le contacter. Les notifications sont partout et nous y poussent de plus en plus : Windows, navigateur, téléphone et même notre montre connectée…

Le mail a aussi été fustigé ces dernières années car trop chronophage ou nous faisant perdre en interactivité. Les plateformes de messageries comme Slack en ont profité, mais vraiment pour notre bien ? Pire que l’email, on est coupé et obligé de répondre car une messagerie instantanée est justement censée être instantanée…

Tout le monde veut obtenir ces informations tout de suite et maintenant. Google est passé par là avec ces milliards d’informations à portée de clic en quelques secondes. On en arrive à demander la même chose aux humains qui ne sont pourtant pas des robots…

 Sauf que zapper d’une tâche à une autre ou être coupé sans arrêt nous coûte énormément en temps mais aussi en fatigue intellectuelle. Il faut se remettre dans le contexte, se reconcentrer et c’est là que l’on perd beaucoup de temps et d’influx.


« Nous recommençons sans arrêt les mêmes choses. »

C’est un point rarement mis en avant dans le recrutement mais pourtant primordial : personne ne capitalise sur ce qui a déjà pu être fait. Il faut forcément faire du nouveau (pas tant que ça en fait en y regardant de plus près) et du soi-même (on est toujours meilleur que les autres, c’est bien connu).

Un nouveau poste tombe, la plupart vont se lancer dans un nouveau sourcing Linkedin à la recherche de la perle rare. Pourquoi repartir de 0 alors qu’il existe surement dans la société une base de données avec toutes les candidatures passées (= ATS dans le jargon) ?

Je ne jette la pierre à personne, j’y ai moi-même succombé. C’est tellement plus valorisant de se lancer dans des recherches Linkedin avec plein de mots clés et de booléens, de surfer sur les profils, sélectionner et contacter ceux qui nous paraissent les plus adaptés et potentiellement intéressés.

A contrario, faire une recherche dans l’ATS de sa société est tellement « chiant », osons le mot ;) Pourtant, les candidats que l’on y trouve nous connaissent déjà et la fiche contient plein d’informations utiles avec des coordonnées prêtes à être utilisées…

Idem pour les messages et les mails qui pourraient être sauvegardés pour être réutiliser et améliorer dans le futur. Plutôt que de tout refaire à la va-vite à chaque fois…


« Le matériel, les outils et les process sont inadaptés. »

Je ne parlerai pas des réunions inutiles, tout le monde connait cela. Non, je parle de choses bien plus simples comme notre ordinateur qui rame dès que l’on ouvre 3 profils Linkedin dans son navigateur. Ou du tableau Excel à remplir pour chaque embauche avec plein d’informations dedans qui ne seront jamais utilisées (un jour on fera des stats !). Le 2ème écran que l’on a demandé il y a déjà 3 mois car c’est quand même plus pratique… C’est un investissement très vite rentabilisé.

 N’oublions pas le fameux dossier de compétences à saisir, quand ce n’est pas le candidat qui le fait (prévoir 1h au minimum pour le faire correctement), toujours d’actualité dans beaucoup de sociétés de services. Mais quel est son utilité au fond : le CV perso du candidat et la qualification faite ne sont pas suffisants ? Trop de process archaïques hérités du passé sont à oublier !


Oh oui, que de temps nous perdons ! Par contre, certaines remontrances souvent entendues de la part des recruteurs ne sont pas forcément vraies :

« Je n’ai pas le temps de répondre à toutes les candidatures que je reçois. »

 Je connais très peu de recruteurs qui le fassent, dans le secteur IT en tous cas. Nous aussi je l’avoue, mais on travaille dessus pour s’améliorer. La raison souvent évoquée est de recevoir trop de candidatures. Oui mais ce sont des candidatures hors cible à 95% du temps. Pourquoi perdre du temps à répondre à des candidats qui ne correspondent pas et/ou qui n’ont pas lu l’annonce ?

Sans rentrer dans le débat qui pourrait faire l’objet d’un livre entier à lui tout seul avec des arguments des 2 côtés, nous ne recevons pas non plus des centaines de candidatures par jour. Peut-être une 20aine mais guère plus en moyenne. Avec un message préformaté à copier-coller et en passant 1 minute à rédiger un motif de refus personnalisé, cela prend 1 minute x 20 mails = 20 minutes maximum par jour.

Quand on sait l’importance que cette réponse peut avoir, pour le candidat et aussi pour le recruteur (amélioration de l’expérience candidat donc de sa capacité à fidéliser sur le long terme), ce n’est pas cher payé…


« Je n’ai pas le temps de rappeler mes candidats ou de prendre des nouvelles. »

Interagir avec son réseau et l’entretenir, c’est pourtant la base du métier de recruteur ! En plus, les rapports humains, c’est ce qui est le plus valorisant dans le métier, il ne faudrait pas s’en priver. Oui mais les informaticiens ne répondent plus me rétorquera-t-on.

 Pourquoi ne pas envoyer un petit SMS, cela prend 5 minutes à rédiger (même un long message en passant par des outils comme celui-ci. Pour plus de détails sur le comment et le pourquoi, je vous renvoie à cet excellent article :)


« Je n’ai pas le temps d’enregistrer les informations de mes candidats dans la base de données. »

Pour les non-recruteurs, il s’agit d’un logiciel appelé « ATS » qui permet de créer des fiches candidats et d’y enregistrer toutes les informations utiles à une candidature. Combien de candidats ou d’informations importantes n’avons-nous jamais enregistrées ? Beaucoup… Et pourtant ces informations sont très précieuses pour le futur et les collègues !

Mais n’y a-t-il pas derrière aussi un frein psychologique ? Avouons-le, faire de l’administratif et remplir des cases n’a absolument rien d’intéressant ou de valorisant…

Plutôt que d’écrire son compte-rendu d’entretien sur un carnet à l’ancienne, saisissons-le directement dans l’ATS ! Ces informations sont le trésor de votre société, grâce à elle vous saurez quand relancer ou quoi proposer la prochaine fois.


« Je n’ai pas le temps de m’auto-former ou de chercher à m’améliorer. »

Très peu de personnes prennent le temps de le faire, et surtout pas sur leur temps personnel. A tord malheureusement… Certaines entreprises doivent même décréter un temps pour des projets perso afin que leurs employés explorent ou apprennent de nouvelles technos.

 Se remettre en question et apprendre de nouvelles choses fait paradoxalement gagner du temps. Prendre 1h pour améliorer un message d’approche ou apprendre de nouvelles méthodes de sourcing peut en faire gagner 4 fois plus par la suite. C’est là tout le paradoxe de cette illustration que l’on voit régulièrement sur les réseaux sociaux :


Trop de choses inutiles ou peut-être futiles mais nécessaire dans le monde d’aujourd’hui sont apparues. Les outils et les réseaux sociaux aussi se sont insinués partout et viennent colmater chaque temps mort que nous avons… Sans compter sur l’immédiateté et la réactivité qui sont un véritable fléau auquel il ne faut pas succomber. Même si les sirènes et les attentes professionnelles nous y obligent de plus en plus.

La vision court terme est un non-sens qui nous fait gagner du temps tout de suite mais qui nous en fait perdre beaucoup à plus long terme. Nous en sommes tous conscients pourtant nous ne faisons rien ! C’est une prison dont il sera difficile de se défaire…

 Nous sommes à la fin et je me rends compte que je ne fais que renforcer cette course au temps : je me suis permis de donner des conseils pour essayer d’en gagner ! Et pire, j’ai perdu du temps à le faire et vous à le lire !

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