Interview de Thomas TREGARO - Développeur Cobol Mainframe

Interview

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  • Auteur Sylvain Lareyre

Nous continuons notre série d'interview avec Thomas Tregaro. Nous mettons en valeur tous les métiers, tous les parcours et toutes les technos. Thomas n'a pas un parcours "classique" et travaille sur des environnements mainframe (gros systèmes), souvent peu appréciés des développeurs, et pourtant... 

Sans plus attendre, je vous laisse découvrir sa vision du métier :)



#1 RACONTEZ-NOUS CE QUE VOUS FAITES ET VOTRE PARCOURS…

Avant d’être développeur Mainframe, je me destinais à l’industrialisation des moyens de productions (usine, process en entreprise, etc.) et en fin de cursus à l’environnement.

Après de longues études industrielles (BEP productique mécanique, Bac Sciences et  Technologies Industrielles, BTS Microtechnique, Licence de robotique), j’ai décidé de finir mon cursus en satisfaisant mon côté écolo et je suis donc devenu Ingénieur Eco-Energéticien, plutôt orienté BTP/Industrie.

Mais après plus de six mois sans emploi, avec très peu d’offres et presque aucune réponse, il a fallu se rendre à l’évidence : l’environnement, c’est pas pour maintenant.

Ayant toujours été intéressé par la programmation, je n’ai pas hésité lorsque l’on m’a proposé une reconversion dans l’informatique sur un vieux langage. Je ne savais pas où je mettais les pieds, mais je savais qu’il fallait tenter le coup.


#2 FAUT-IL ÊTRE PASSIONNÉ POUR FAIRE VOTRE MÉTIER ?

Tout dépend de ce que l’on entend par "passionné".

Si vous parlez de manger, parler et dormir Mainframe, la réponse est non.

Si vous parlez d’accepter de faire de l’archéologie dans du code parfois vieux de plus de 30 ans et pas toujours maintenu et/ou documenté, alors oui, il faut être passionné.


#3 CE QUE VOUS ADOREZ DANS VOTRE MÉTIER…

Le côté carré (on ne se refait pas). Un programme, ça fonctionne ou ça ne fonctionne pas. Si ça ne fonctionne pas, on travaille dessus ; s’il fonctionne… eh bien il fonctionne, et on passe au suivant.


#4 CE QUE VOUS N’AIMEZ PAS DANS VOTRE MÉTIER…

L’absence de commentaires dans le code.

Reprendre un programme ayant quelques dizaines d’années, qui a vu des dizaines d’évolutions non documentées, sans commentaires… c’est très, très, très pénible.


#5 VOUS SENTEZ-VOUS RECONNU POUR CE QUE VOUS FAITES ?

Tout à fait !

Le manque de développeurs Mainframe, d’autant plus expérimentés, met les développeurs dans une situation plutôt favorable. Les cas de sociétés voyant leurs employés comme des ressources jetables sont donc plutôt rares par rapport à d’autres secteurs.


#6 COMMENT VOYEZ-VOUS VOTRE MÉTIER ÉVOLUER ? LES +, LES MOINS…

Le métier de développeur Mainframe, quoique ce soit surprenant pour certains, évolue beaucoup.

Il n’y a pas si longtemps, un développeur passait toute sa carrière dans la même boîte, connaissait tout de tête (l’accès aux docs était long et coûteux) et valait une fortune pour le bon fonctionnement de l’entreprise.

Aujourd’hui, les sociétés ont des politiques de réduction de budget, c’est un phénomène de plus en plus courant. Elles perdent les connaissances nécessaires à leur bon fonctionnement quand les sachants partent en retraite sans être remplacés. Lorsque ces entreprises embauchent, elles cherchent des gens compétents, connaissant leur SI, et le moins cher possible. Des profils impossibles à trouver.

De mon expérience chez IBM, je peux vous dire que les gros acteurs du secteur relocalisent en Europe leurs SI et leurs projets. Les affaires “merveilleuses”, promettant des coûts imbattables et des délais inconcevables, avec des centres de services à l’autre bout du monde, se sont trop souvent révélées des gouffres financiers dont les projets étaient rarement livrés.

Bref, l’avenir reste à découvrir, mais je ne m’inquiète pas trop pour mon job.


#7 QUEL STYLE DE MANAGEMENT PRÉFÉREZ-VOUS ?

La question étant très ouverte et vaste, je me contenterais de dire que, qu’importe les moyens, ce qui compte, c’est un management humain et professionnel.

Ça ne me dérange pas de faire pas mal d’heures au sein d’une équipe sympa et motivée. Si par contre l’ambiance est mauvaise, que la hiérarchie justifie ses erreurs en accusant les développeurs, que les objectifs sont irréalisables, que les outils sont instables, etc., ça ne me motive pas.


#8 ETES-VOUS SOUVENT CONTACTÉ PAR LES RECRUTEURS ET COMMENT LE VIVEZ-VOUS ?

Je suis contacté trois à cinq fois par mois par des recruteurs, selon les périodes. Mais les vraies offres, avec salaire ou poste intéressant, n’arrivent qu’une fois tous les deux à trois mois, ce qui n’est pas si mal comparé à d’autres secteurs.

Je n’ai en revanche pas les mauvais côtés liés à certaines nouvelles technos très demandées. Certains sont appelés une dizaine de fois par jour pour des offres absolument pas intéressantes. J’ai par contre les mêmes problèmes côté offres. Trop souvent les annonces sont de mauvais copiers-collers sans informations. On ne sait pas pour quel poste exactement on veut de nous, pour quelle entreprise, quel salaire, quelle durée, etc.

Je comprends très bien qu’on ne veuille pas tout dire à l’avance, pour négocier les détails en entretien ou ne pas se faire voler le client. Mais tout de même, les annonces vides de contenu, ne donnant pas les informations pourtant basiques du poste, le salaire, le secteur d’activité, la techno, le périmètre, sont malheureusement les plus fréquentes.


#9 QUELLE EST LA PIRE QUESTION QUE L’ON VOUS A POSÉE EN ENTRETIEN ?

Elle est pourtant classique, mais "où vous voyez-vous dans dix ans ?". Parce qu’en France, un développeur n’évolue qu’en prenant des responsabilités en gestion d’équipe et de projet.

De ce fait, tantôt on va passer pour peu volontaire en disant qu’on se voit bien référent technique, car cette fonction est mal considérée, tantôt arrogant parce qu’on parle de gérer des projets alors qu’on ne fait pas encore partie de l’équipe.


#10 QUELS CONSEILS DONNERIEZ-VOUS AUX JEUNES EN ÉCOLE INFORMATIQUE ?

Ce n’est pas tant dédié à l’informatique qu’au monde du travail en général.

Vous trouverez toujours quelqu’un pour vous dire ce que vous devez faire, vous vous retrouverez toujours dans une situation où “si vous aviez su, vous auriez fait autrement”, etc.

Donc, prenez le temps qu’il faut, ayez confiance en vous et expérimentez.

Le tout est d’entrer dans le monde du travail en essayant de garder un bon état d’esprit, la définition de bon état d’esprit ne dépendant que de vous !


Merci Thomas :)